Avec Réflexion des songes, Dominik Deniau nous convie à un nouveau voyage dans le monde de l’inconscient.

L’exposition des âmes nous dévoilait les passions quianiment des hommes hantés par le spectre du néant ; dans cette nouvelle série dephotographies, Dominik Deniau nous propose de partager son expérience d’un état
de conscience altéré, le coma. Celui-ci est évoqué par le biais d’images flash qui sont autant de retours sur une vie s’étirant de la prime enfance à la mort, dans des réminiscences marquées de douceur, d’étrangeté ou de douleur. De cette succession d’images nébuleuses, comme capturées au travers d’une paroi utérine, semble émerger, peu à peu, ce que l’on pourrait qualifier de « portrait » d’une âme.

L’inconscient nous apparait d’abord comme un refuge : les images, malgré le prisme rouge et quasi monochrome par lequel elles sont filtrées, diffusent une impression de paix. D’ailleurs, cette couleur de sang, annonciatrice du tragique, n’est-elle pas aussi celle du foetus, celle du sang qui irrigue et donne la vie ? Et même quand les évocations sont douloureuses, les coups semblent ouatés. Les images qui se succèdent, bien
que déformées et souvent sans liens entre elles, proposent une réalité déchiffrable, intelligible et donc acceptable : on peut y lire l’amour, la simplicité de l’enfance, la lutte pour la survie, la désolation des guerres, la souffrance inexpliquée, l’espoir d’un au-delà et le désir d’une consolation infinie. C’est le kaléidoscope d’une vie, tournent la salle de classe à l’ancienne, les portraits d’êtres chers (à moins que ce ne soient ceux
d’étrangers ?) au visage endormi ou embué de larmes, le corps nu et duveté de la femme idéale, la plénitude atteinte par deux amants.

On y aperçoit aussi un cortège funèbre éclairé par des lumières à la provenance incertaine, surplombé par la silhouette des crucifix. L’inconscient semble contempler l’enterrement de sa propre enveloppe charnelle. Serions-nous dans ce passage entre la vie et la mort dont quelques-uns seulement sont revenus ?... Mais, de-ci de-là, l’impression de paix qu’offrait ce voyage se craquelle : il y a les fêlures des contrastes, le buste de femme troué de balles, le regard aigu dans un visage qui se dissout; également plus difficiles à accepter sont ces masses opaques qui nous rappellent la dimension mouvante et insaisissable de notre existence. Nous sommes dans l’errance, un rien nous perd et nous confond, nous disent-elles.

C’est que l’inconscient n’est pas qu’un refuge, nous dit Dominik Deniau dans sa deuxième série de photographies. Les contrastes de couleur s’accentuent, le noir s’oppose au rouge, le feu d’un jaune tremblotant traverse le champ de vision. Les visages grimacent, se tordent dans les cris, la douleur nous transperce, la mort est toute proche et il faut bien dire qu’elle semble préférable à ces convulsions. Cet abîme de tourments,
certains l’appellent l’enfer. En marge de toute religion, on semble approcher, avec ces
visions, du point de rupture. Au-delà, c’est le grand mystère.

Flore Talamon


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